samedi 8 décembre 2012

Une histoire de plume

J’ai surpris une plume qui draguait un papier
Et ce dernier, outré, gémissait, c’est assez !
Je suis estampillé, vise un peu mon grammage
Consacré aux bons mots. Cesse tes gribouillages !

Ton vieux bec émoussé et ton encre violette
Ne font que des pâtés, histoires sans queue ni tête.
Mais la belle aguicheuse lèche sa ligne droite,
Refuse d’être sérieuse ou de se tenir coite.

J’aime ta peau si blanche qui me donne le frisson
Sur laquelle je me glisse, mine de rien, sans façon.
Étale toi sous moi, susurre-t- elle délurée
De mes sons enjoués, je saurais t'enchanter

Foutaise et billevesées ! Si tu cherches à me plaire
Écris un vrai poème... un essai, ce s'rait mieux !
Lassée la plume se casse - laissant là l’ambitieux -
Pour rejoindre un brouillon avec qui se distraire

Si vous trouvez passant plume qui veuille s’amuser
En chatouillant vos pages de mots doux et légers
Ne soyez pas bégueule car rares sont de nos jours
Celles qui savent encore parler gaiement d'amour

Mijo - 2008 dans Un peu de légèreté

mercredi 17 octobre 2012

Biographe


Un gnurf fulminant arpentant le trottoir
Un spectacle étonnant qui fera plus de bruit
Qu’une gnarf allergique chassant toute la nuit
Les rêves qui la piquent à travers son peignoir

Un gnurf en plein soleil esseulé au comptoir
A-t-il plus d’appétit, sera t il plus croquant
Qu’une gnarf qui s’éveille décrochant ses mâchoires
Prête à mordre la vie en mixant tous ses temps

Parole de scribouilleuse, rapporteuse sans permis,
Dans la rue à minuit, la gnarf qui joue l’histoire
N’est pas plus comateuse que le gnurf étourdi
Que l'on pense, je l'écris, une authentique gloire

J’entends, solidaire, leur triste chant d’amour
Pour de telles enclumes il s’agit d’un vrai four
Autant croire c’est clair aux mots fous de l’oracle
Renoncer à ma plume, à la page qu’elle racle

Il est vrai, Gnurf et Gnarf, ennuyeuses chimères
Dont j’étais biographe, ont tout fait de travers
M'ont laissée choir à terre, comme une vieille planche
Sans frime et dans mon verre, je siffle ma revanche.

(un peu de légèreté...)

samedi 4 août 2012

Attraction universelle

Allant de bon matin sur la route plate
ni bosse ni creux suspects à l'horizon
pas même de traîtres gravillons
pilotes automatiques, mes pieds se hâtent

Toute innocence, je les laisse faire
ne sont que deux, c'est pas sorcier
l'un après l'autre, devant derrière,
se lèvent, se posent, une enjambée

Sans réfléchir, le corps suit l'impulsion
pour l'équilibre, les bras balancent 
nez  poumons gèrent l'inspiration
les muscles chauds tiennent la cadence

La tête ailleurs, j'allais bon train en ligne droite
Or, soudain, le bel accord se détraque
les pieds s'embrouillent, font un croche patte
à moi, le vol plané . VLAN ! PATATRAC !

La terre m'embrasse, dure gamelle
je gagne, sonnée, la couronne étoilée
nouvelle leçon sur l'attraction universelle
ne jamais - ô jamais - se fier à ses pieds.

jeudi 19 juillet 2012

Formulaire

passage en douane vol régulier
qu'avez vous donc à déclarer

je transporte des mots valises
aux chants rares qui me grisent

aucun trait glauque becs acérés
de joyeux drilles bien calibrés

en congés, je collectionne
des mots d'esprits qui bien ronronnent

lassés d'attendre,  ils s'échappent
rejoindre le vent qui les happent

me laissant vide papier froissé
la mine grise un rien frustrée.

mercredi 20 juin 2012

Papillons

papillon de jour papillon de  nuit
volètent volètent
sur les courants d'air

fragiles les mots
s'échappent de ma tête
brève est leur vie
une goutte sur tes lèvres 

dans les courants d'air
sans abri  sans bruit
s'enfuient l'avenir
les belles paroles

papillon de jour papillon de nuit
jamais ensemble
volèrent volèrent.

mardi 13 mars 2012

La sieste de José Maria de HEREDIA (1842-1905)

Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude,
Tout dort sous les grands bois accablés de soleil
Où le feuillage épais tamise un jour pareil
Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude.


Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde
Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,
De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil
Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude.

Vers la gaze de feu que trament les rayons,
Vole le frêle essaim des riches papillons
Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves ;

Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil,
Et dans les mailles d'or de ce filet subtil,
Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.

mercredi 25 janvier 2012

Croisière

la ville éventrée s'est couchée sur le flanc
 un luxe de pacotille au temps vide

en grosses lettres en bandes annonces
 un charivari de sauve qui peut

les yeux fermés je pense bleu originel
 chaude marée vent de terre creux de voile

comme un récif impitoyable un refrain déchire :
  la vanité a fait naufrage

"A darker storm stands over the world.
It puts its mouth to our soul
and blows to get a tone. We are afraid
the storm will blow us empty.
"

Tomas TRANSTROEMER